Un autre jour se lève sur la Sagrada Familia. La merveille barcelonaise est toujours en
chantier depuis sa naissance, il y a 125 ans. Au point que désormais les grues
se mêlent harmonieusement aux pinacles. Pourquoi ? L’enquête Stéfan Haupt prend
la forme d’une prière poétique. Sa caméra capte les rais de lumière perçant la dentelle de pierre. Ce qui n’est pas à proprement parler une cathédrale
mais à l’origine un modeste temple expiatoire est pour tout ceux qui
l’agrandissent la maison de Dieu sur terre. Son fantastique hiératisme couve les
foules insouciantes des ramblas.
De ces cimes s’étend la métropole enfumée et
tapageuse, surtout les soirs de victoires du Barça. À ses pieds les touristes en
short écoutent sagement les explications des guides. La Sagrada
est une entité vivante, le gros cœur du corps social. À l’intérieur, on manie le
marteau-pilon. Des maçons ajoutent du plâtre à la poussière tandis que les
soudeurs projettent des gerbent d’étincelles. D'autres encore grimpent dans les
échafaudages. Tous fourmis de cette nouvelle et idéale tour de Babel.
Des poutres et les treillis du béton armé s’envolent dans les coupoles aux
mosaïques d’or, passant dans des ouvertures géantes comme des vortex. Éléments
suspendus, comme le temps soudain immobile. Personne ici ne compte ses heures. À
commencer par le maître tailleur japonais Etsuro Sotoo. Cet ancien bouddhiste
zen converti au catholicisme ne désire rien d’autre qu’apprivoiser la pierre, la
persuader de devenir cylindre, linteau, corniche. Et suivre ainsi son modèle
Antoni Gaudi (1852 - 1926) qu’il compte bien voir un jour béatifié.
Le plus génial et incontrôlable des
Tarragonais a laissé des bribes de maquettes pour toute philosophie. Mais chaque
Catalan comprend d'instinct son projet, qu’il a voulu infini, à l’image de l’univers.
L’architecte en chef se déclare de premier des serviteurs. Il orchestre une
immense et unanime déclaration d’amour. La Sagrada,
château de sable inspiré, a commencé néogothique et Art Déco, puis le style est
devenu insensé. Elle se hisse au niveau de la nature, celle les montagnes
sacrées de Monserrat en forme de doigts pointés vers les nuées. On y voit des
anges musiciens parmi les fleurs, couvant Jésus du regard. Dans la crypte Jordie
Savall interprète Bach. On y dit aussi la messe à l’abri du délire organisé au
dessus, dans les cieux.
Depuis des décennies, la poursuite du
chantier est critiquée. Le Corbusier, Gropius, Riccardo Bofill ont signé des
manifestes. Mais la Catalogne n’a voulu ni une ruine ni un musée. Elle a fait de
la Sagrada l’étendard de son autonomie. Désormais trois
millions de visiteurs annuels fournissent les fonds pour les incessants travaux.
Ceux de l’ultime église ? Les critiques trouvent que l’entreprise a viré au
Disneyland, Ceux qui poursuivent l’œuvre… poursuivent
l’œuvre.
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mercredi 21 mai 2014
vendredi 17 janvier 2014
Le lapsus du Président
(ou Esther et Hollande)
Tout le monde l'a vu, personne de l'a remarqué. Beaucoup le traquaient aussi... Mais où se nichait donc le lapsus du Président ? Il fallait bien qu'il en commette un durant sa conférence de presse du 14 janvier dernier. La tension était palpable. Ses affaires de coeur électrisaient la planète McLuhan depuis quelques jours. Eh bien, comme dans la nouvelle d'Edgar poe La lettre volée, on l'avait sous les yeux!
Durant plus de deux heures et
demi, François Hollande a parlé dans la salle des fêtes de l’Elysée avec, à sa
droite, une tapisserie XVIIIe siècle. Que dit cette image, souvent accrochée
par les caméras, sous laquelle le gouvernement au grand complet était assis ? Que dit cette scène dont la composition est due à Jean-François de
Troy et l’histoire relatée dans l’Ancien Testament ?
Il s’agit du Repas d’Esther et
d’Assuérus (*).Quel plaisir de résumer ici ce conte en guise de scoop politico-esthétique et de piquant télescopage de l'Histoire!
Il était une fois donc, un roi de Perse; un certain Assuérus en qui certains exégètes reconnaissent Xerxès, fils de Darius Ier. Dans la troisième année de son règne (Hollande n'est que dans la deuxième année de son quinquennat) il avait répudié son épouse Vashti parce que, pour faire court, celle-ci s’était montrée arrogante. Toujours soucieux de plaire, les courtisans avaient entrepris de faire tour à tour venir au palais de Suse, la capitale, les plus jolies vierges du pays afin qu'Assuérus en retienne une. La tapisserie montre le moment où il tombe sous le charme d’Esther, une orpheline d’une grande beauté. Il la couronnera bien qu’elle soit juive puis, apprenant cet état, la graciera avec l’ensemble de ses coreligionnaires qui risquaient pourtant un génocide.
Racine a fait d'Esther le personnage principal d'une de ses tragédies. Dans le cycle de tapisseries conçu par Jean-François de Troy, au contraire, tout finit bien. L'avenir dira qui de l'un ou de l'autre de ces artistes peut être considéré comme le plus visionnaire pour cette deuxième décennie du XXIe siècle français.
Vashti par Edwin Long |
Valérie Trierweiler en décembre 2013 |
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