Streets of Philadelphia
La première capitale des States a trouvé un moyen efficace pour revitaliser ses quartiers deshérités. Les fresques murales s'y comptent désormais par milliers. Une initiative artistique - et économique - exemplaire.
Méfiez-vous de l’image de Philadelphie conservatrice et bien pensante : elle est fausse. Partout dans cette ville d’un 1,5 million habitants, cernée par une agglomération qui en compte quatre fois plus, les murs ont la parole. C’est pour lutter contre les tags qui les défiguraient au point de constituer un baromètre précis des quartiers défavorisés et autres zones de non droit qu’a été créé en 1984 le Mural Art Program (MAP). A l’origine une artiste militante, Jane Golden, embauchée par la municipalité pour convaincre les auteurs de graffitis d’employer leurs compétences à des fins non plus destructives mais positives. Avec une première équipe de volontaires recrutés alentours elle s’attaque pendant trois mois aux deux côtés d’un pont routier reliant le secteur ouest au centre. Depuis ce partenariat public/privé à but non lucratif est allé bien au-delà des espérances.
En 1997 le MAP est appelé pour exécuter six fresques historiques majeures en moins de huit semaines pour un sommet présidentiel sur le bénévolat. Al Gore lui-même prend un pinceau et se joint aux bénévoles pour œuvrer le long d'une des grandes avenues de Philly. Les volontaires dépassent la centaine. En 2000, le MAP investit le centre avec une composition de Peter Pagast : une Liberté portant le monde, haute de onze étages. Elle est toujours visible, et absolument pas abimée, en vis-à-vis de l'hôtel de ville.
D’autres grands plasticiens tels Ann Northrup, Josh Sarantitis, Eric Okdeh, James Burns, Steve Powers ou encore Meg Saligman fournissent les dessins. Bob Phillips et Cheryl Levin complètent les leurs avec des sculptures en acier et mosaïques de verre ou autres matérieux de récupération. Le prince Charles et son épouse Camilla passent une après-midi à les découvrir.
En voisin du New Jersey, Bruce Springsteen se sert d’une fresque comme décors pour le clip de sa chanson Streets of Philadelphia. Nombre de rappeurs font de même. Suit la mise en route de vingt camions recyclés et peints promouvant l’action du MAP et la responsabilité environnementale. Les « murals » sont désormais éclairés à la nuit, avec des ampoules basse consommation. Un son et lumière est créé le long de la rivière Schuylkill.
« C’est aussi un plus pour l’économie locale, commente Jerry Silverman, un des responsables historiques du MAP. Désormais 18 000 touristes par an visitent les sites à pied, à bicyclette, en tramway, lors de tours guidés. Avec les droits dérivés à l’image, cela génère un total de 2,2 millions de dollars. » Le PAM emploie environ 250 personnes (artistes, professeurs, conférenciers, etc…). Il reçoit des demandes de villes américaines mais aussi de l'étranger. Si la fresque la plus chère a coûté environ 470 000 $, le coût moyen pour exécuter une œuvre est de 25 000 à 30 000 $.
« Les projets et le choix des motifs se décident en commun avec les habitants. Les propriétaires des murs doivent bien sûr avant tout donner leur accord. Ils peuvent aussi disposer de leur bien par la suite comme ils l’entendent », précise Jerry Silverman qui n’a que l’embarras du choix pour montrer les travaux. Le voilà maintenant contrait de thématiser ses circuits. « On me demande de voir les fresques les plus spectaculaires ou les plus originales, ou les plus anciennes. Ou encore celles afro-américaines.
Au départ, comme pour tous les graffs, on commémorait une personne, parfois tuée dans une rixe. Désormais les thèmes floraux ou surréalistes prolifèrent. » Des rues, des quartiers entiers ont parfois été revitalisés par ce biais. Des immeubles mais aussi des garages, des usines pas forcément désaffectées, des réservoirs de raffinerie, jadis ruines ou rouille, tout est digne des plus belles parures. Autour des façades ainsi embellies sont nés des squares là où se trouvaient des terrains vagues. Avec pelouses immaculées, parterres floraux et poubelles, grâce à la Pennsylvania horticultural society.
Le MAP fait participer non seulement les enfants des écoles et les étudiants mais aussi des chômeurs. Et jusqu’à des ex-délinquants ou les détenus des cinq prisons du comté. L’année dernière, 1 815 personnes sont ainsi intervenues sur 38 sites. Parmi eux 400 étaient en but avec la justice. « 82% de ces personnes n’ont pas récidivé dans l'année de leur libération, se félicite le responsable. Dans une ville où le taux de chômage dépasse les 10 %, notre initiative a un effet incontestablement positif sur la santé et les comportements. »
Les fresques murales influencent aussi les autres arts et artistes comme en témoignent nombres d'oeuvres des étudiants de la Pennsylvania academy of the fine arts, la plus ancienne école d'art des Etats-Unis (fondée en 1805).
Dans South Street, le Soho local, et ailleurs les commerçants jouent le jeu. Leurs devantures rivalisent de couleurs pétaradantes et d'imagination. De la boutique de vêtements branchés au vendeur de hot dogs.
Et jusqu'à la caserne des pompiers!
En 2009 un audit commandé par la Ville constatait que le MAP s’avérait un des cinq meilleurs investissements publics. « Nos projets sont aussi moteurs avant mêmes qu’ils soient terminés car partout où nous passons les valeurs immobilières sont à la hausse ». Un salutaire paradoxe à l’heure où les subprimes continuent d’occasionner des ravages partout sur le territoire.
En 2009, le MAP était la seule organisation artistique à recevoir une aide financière du Département américain de la Justice. Un partenariat de trois ans. Pour sa part Jane Golden est devenue professeur invitée à l'université de Princeton et occupe aussi un poste d'instructeur adjoint à la Pennsylvania academy of fine art. Elle a été nommée l'une des personnes les plus influentes de la ville par le principal news magazine de Philadelphie.
En 2009, le MAP était la seule organisation artistique à recevoir une aide financière du Département américain de la Justice. Un partenariat de trois ans. Pour sa part Jane Golden est devenue professeur invitée à l'université de Princeton et occupe aussi un poste d'instructeur adjoint à la Pennsylvania academy of fine art. Elle a été nommée l'une des personnes les plus influentes de la ville par le principal news magazine de Philadelphie.
Rens : (215) 685-0750. http://www.muralarts.org/