vendredi 27 janvier 2012

Carnet de route à Shanghaï et alentours
Du dimanche 15 janvier au jeudi 19 janvier 2012
(rédigé avec l'aide du musée Guimet)

Dimanche 15

Arrivée à 17h 30,  hôtel (Astor House, palace néocolonial) et premiers pas sur le Bund. Surprise: personne sauf un grand-père qui joue au cerf-volant et quelques amateurs de chi kong. Les gens sont partis en famille à l'occasion du nouvel an chinois. Une esplanade piétonnière a remplacé les échoppes du bord de la rivière Huangpu. Impression de modernité massive en face sur le district de Pudong.

Lundi 16

Promenade sur le Bund, vitrine du Shanghaï des années 30. Ce boulevard qui longe le fleuve était le quai de débarquement où accostaient tous les voyageurs et le seul lieu autorisé pour les premières implantations occidentales au milieu du XIXe siècle. Les sièges des banques sont somptueux, notamment celui historique de la HSBC couvert de mosaïques représentant les grands comptoirs mondiaux (l'Inde y figure encore avec le drapeau anglais). Photos interdites. Dommage...

Musée de Shanghaï situé sur la place du Peuple en plein cœur de la ville, non loin de l'opéra construit par Jean-Marie Charpentier décédé il y a deux ans. Je me souviens qu'il m'avait présenté son projet au toit en forme de berceau posé d'un bloc, lors d'un entretien dans ses bureaux parisiens. J'imaginais un bâtiment grandiose. En fait la taille de ceux qui l'environnent le rapetissent désormais. Mais revenons au musée. Si le patio et le jeu d'escalators intérieurs lui donne une atmosphère de galerie marchande, ses salles (dix sections) sont très confortables. On y admire de très belles collections d’art chinois de toutes les périodes. Avec Jean-Paul Desroches et Catherine Delacour du musée Guimet je prends mon premier cours accéléré d'histoire des styles. Mon coup de coeur parmi les quelque 120 000 pièces exposées ? Dans la partie très riche des bronzes (1500 ans depuis le XVIIIe s av J.-C.) une urne figurant chasse aux buffles par des loups (cachés dans les anses).

Après-midi

Découverte de mon premier jardin. Celui du mandarin Yu (1578) conçu par Zhang Nanyang, maître du genre sous les Ming. Ici le portique extérieur (© Photos Terre Entière, tous droits réservés).

Dehors la vieille ville a été complètement reconstruite. Ambiance place du Tertre en plus coloré puisque l'année du dragon se profile à l'horizon. Premier thé savoureux néanmoins.

Mardi 17 janvier

Départ pour Hangzhou. Autoroutes, buildings et cités immobilières titanesques en construction ou en démolition. Elles prolifèrent anarchiquement sur des rizières réduites comme peau de chagrin. Embouteillages (© Photos Terre Entière, tous droits réservés).

Visite du musée du thé situé dans le village de Shuangfeng, au milieu des collines bien ourlées de théiers. Le thé vert dit Longjing (le « puits du dragon ») est le plus prisé en Chine. Les crus sont cultivés depuis la dynastie des Song. Certains valent aussi cher que le caviar.

Halte au musée des fours des Song du sud (1127-1279), les rois de la porcelaine céladon. Pose devant le lac de l'ouest source d'inspiration de nombreux peintres et poètes. On comprend pour quoi dans une grisaille cotonneuse qui nous coupe de la ville jamais très loin. Route pour Suzhou . Installation à l'hôtel Pan Pacific, énorme et labyrinthique faux château-fort. Un kitsch de classe internationale.

Mercredi 18 janvier
J'apprends a apprécier la personnalité de chaque jardin. Je me passionne pour l'agencement très taoïste des précieux rochers de rivière, vénérés des lettrés chinois. Ils expriment une intense liberté, compensatoire du confucianisme et des devoirs pesants de la hiérarchie impériale. Plastiquement, ils donnent une teinte très moderne au cadre. L’art des jardins est un art total. La notion de "paysage encadré", où un point de vue d'une fenêtre, d'une entrée ou même d'un trou dans un rocher, y est exacerbée. Elle se prête évidemment parfaitement à la photographie.

1/Jardin du Maître des Filets, l’un des plus petits de la ville. Créé au XIIe siècle, il doit son nom à l’un de ses propriétaires qui se qualifiait de pêcheur. Il est formé d’une succession de pavillons, de bosquets de bambous et de pièces d’eau. Le cœur en est un bassin dans lequel se reflètent de gracieuses constructions. Ce microcosme est considéré comme une réussite exemplaire.

2/Jardin de la Politique des Simples, le plus grand de Suzhou. Son nom s’inspire d’une ancienne maxime qui rappelle la sagesse du vieillard de Voltaire dans Candide : « Cultiver son jardin pour subvenir à ses besoins quotidiens, voilà ce qu’on appelle la politique des simples ». Ce jardin créé en 1506 s’inscrit dans la plus pure tradition classique. A l'intérieur d'un pavillon, la passion des rochers se lit dans le meuble support de l'un deux. Très travaillé il épouse ses formes. Rochers, d'intérieur, rochers d'extérieur, microcosme et macrocosme: ces opposés s'harmonisent délicatement. C'est un des jeux de la composition paysagère chinoise (© Photos Terre Entière, tous droits réservés).

3/Musée de Suzhou, dernière œuvre de Peï. L'architecte de la pyramide du Louvre a passé son enfance dans un des jardins de la ville. Cela se sent (© Photos Terre Entière, tous droits réservés).

4/Jardin de la forêt du Lion: à mon sens le plus beau, le plus fantastique. Il a été dessiné vers le milieu du XIVe siècle pour un moine de l’école de la Méditation. Plusieurs lettrés participèrent à sa création, dont Ni Zan, un grand maître de la peinture de paysages et de bambous des Yuan. Refait à la période des Ming, ce jardin présente aujourd’hui un ensemble compact de bâtiments assez baroques et de rochers agglomérés envahissants, quelque peu inquiétants. Formes anthropo et zoomorphes, monstres, géants (pour la première © Photos Terre Entière, tous droits réservés)...


5/jardin de la Villa de la Montagne étreinte de Beauté qui se veut le reflet de l’âme de son concepteur. Créé au XVIe siècle, il est soigné dans tous ses détails et dominé par une « montagne » de quelque 500 m² qui culmine à 7 m de hauteur. Il présente un paysage sauvage et tortueux avec ravins, grottes, précipices, etc.


La journée se termine par la visite d'une soierie, avec un brin de shopping.

Jeudi 19 janvier

1/Jardin Liu considéré pour sa beauté et son classicisme comme le digne rival du jardin de la Politique des Simples. Lieu clos de méditation, centré sur la recherche des contrastes, il témoigne d’un art de vivre très intellectualisé. C’est l’un des jardins restés le plus fidèle au style Ming.

Sa collection de bonzaïs est époustouflantes. Difficile de dire dans les cinq écoles de bonzaïs lesquels sont les plus beaux mais les plus primés au concours annuel national sont conservés au jardin suivant.












2/Découverte de la Colline du Tigre. À chaque rocher ou ruisseau sont attachées une légende ou une croyance. L'ensemble est dominé par une pagode élancée et penchée comme la tour de Pise.


3/Visite du jardin de la méditation après la retraite. Beaux paysages encadrés. Toujours ce jeu entre intérieur et extérieur, roche et bois.



4/Route pour Tongli, village au charme représentatif des quelque deux cents villes et villages de la région aquatique du bas Yangzi. L'approche est très curieuse. Il faut franchir une première couronne d'usines de semi conducteurs le long d'avenues tirées au cordeau, puis passer un second anneau de boutiques à touristes. Et enfin on pénêtre dans ce havre mi-authentique mi-folklorique, avec des paysans et des petites gens au coeur d'un empire de première force.









Retour à Shanghaï, on croise un hôtel fou, fou, fou. Le soir, ascension de la tour Jinmao qui s’élève à 420 m, domine le quartier d’affaires, et possède un puits interne pour amateurs de sensations fortes. Devant encore plus haut, l'impressionnant "Décapsuleur" japonais qui abrite le Centre mondial des affaires (492 m). Et, en construction rapide, la futur deuxième tour la plus haute du monde un monolithe torsadé signée Arthur Gensler (632 m en 2014). Elle comprendra des jardins intérieur. Avec des rochers des bonzaïs ?





Merci au musée Guimet, et particulièrement à Hélène Lefèvre. Merci à l'agence Terre entière, et particulièrement à Hubert Debbasch. A tous rendez-vous aux expositions suivantes: 1/ "Les rochers vénérés des lettrés chinois", Guimet du 28 mars au 25 juin. 2/"Les séductions du palais, manger et cuisiner en Chine", Quai Branly du 19 juin au 30 septembre. 3/"les voies du thé", Guimet du 26 septembre au 8 janvier 2013.

mardi 10 janvier 2012

Doigts

Je me souviens de ma fille bébé. Elle n’acceptait de s’endormir qu’avec un de mes doigts dans les siens. Pratique immémoriale que j’ai remarquée, attendri, au Louvre, dans la "Madone d'Auvillers", un bas-relief en marbre exécuté entre 1464 et 1469 pour Pierre de Médicis par le florentin Agostino di Duccio.


Il est curieux de comparer cette œuvre à une autre en terre cuite émaillée, restée in situ à Florence. C’est une variante « pédestre » et inverse : dans l’oratoire de Saint Martin Buonomini, Andrea Della Robbia fait tenir deux doigts de pied de l’Enfant à la Vierge.

Et le détail...

samedi 7 janvier 2012